Mois : juillet 2010
Décroissant américain
Killian O’Brien est californien, sa femme coréenne et leur enfant un intéressant mélange des deux. Ils se sont installés dans une maison abandonnée qu’ils ont acheté « pour 0$ » comme ils disent. Par contre, ils payent les taxes et surtout l’aménagement par morceau de leur logement qui leur prend beaucoup de temps.
Killian anime un centre de ressources en permaculture. Wikipedia en donne la définition suivante : une science systémique qui a pour but la conception, la planification et la réalisation de sociétés humaines écologiquement soutenables, socialement équitables et économiquement viables. Plus…
Panic in Detroit
Les maisons brûlées à Détroit sont nombreuses. Certains quartiers semblent même avoir été bombardés tant il y a de carcasses noircies. Les constructions – souvent en bois – brûlent très facilement, celles en brique moins, mais le résultat est finalement le même. On accuse donc dans l’ordre : le jeune, le propriétaire, le squatter et le voisin.
À Detroit comme ailleurs, le jeune est un problème. On le sait. Par nature, il est paresseux, mal élevé et dangereux. De plus, il joue à des jeux idiots et méchants et met ainsi le feu aux maisons. Parce que ça l’amuse ! Plus…
L’arme fatale n’est pas bio
Mr King a le physique parfait pour faire le job. Une stature d’athlète, il a pratiqué plusieurs sports notamment la boxe et le basket, bien utile dans son métier d’éducateur. Sa voix est à la fois douce et puissante, elle séduit d’autant qu’elle doit être redoutable lorsque le bonhomme s’énerve.
Il veille sur sa maman et sur son quartier. Sa maman, ancienne activiste des black Panther, a du quitter son Alabama natal dans les années 40. Plus…
Brother in farm
Greg est l’heureux patron de la Brother Nature Produce farm. Il emploie trois salariés dont deux vivent sur place, et il alimente avec ses produits les bons restos de la ville. Il a enseigné pendant 15 ans avant de se reconvertir, à 31 ans. Ses parents, tous deux chefs cuisiniers, l’avaient déjà sensibilisé à une nourriture saine : il n’était donc pas totalement en terrain inconnu lorsqu’il s’est lancé dans l’exploitation de salades et de plantes aromatiques bio.
Son installation s’étale sur presque deux âcres de terre, autrefois habitée : ce qui explique que la ville est très aérée et semble couverte d’espaces verts Plus…
Les raisons d’un forum
William Copeland est l’un des « employés » du Forum Social des États-Unis – ils sont un peu plus d’une douzaine, au total. Will fait partie des quelques salariés du forum basés sur place, dont le travail est (était) notamment d’animer la mobilisation locale. Il est né à Detroit, de parents venus des plantations de canne du Sud des États-Unis pour trouver des jours meilleurs, en se faisant embaucher dans l’industrie automobile.
Principalement blanche jusqu’à la grande dépression, Detroit s’est largement ouverte aux « peoples of color » et compte désormais 89% d’afro-américains. L’industrie automobile a largement embauché les travailleurs des plantations du Sud pour contrecarrer l’activités des ouvriers (polonais et italiens) très syndiqués, lors de la grande dépression. Le mouvement s’est accentué lorsque l’effort de guerre a débouché sur la conversion de l’industrie auto vers l’armement  (en quelques jours à peine – comme quoi convertir massivement une industrie est possible…), la ville devenant plus attractive encore.
Après guerre, la ville amorce son déclin. Les « blancs » vont alors quitter la ville, lentement d’abord, puis massivement après les émeutes de 1967 : fin juillet, des policiers font une descente dans un bar clandestin, et arrêtent 85 personnes, réunies pour fêter le retour de combattants sur le front du Vietnam (sur fond de mouvement anti-guerre, très répandu dans la communauté afro-américaine de Detroit). Un rassemblement s’organise rapidement devant le commissariat où les 85 sont gardés à vue, qui s’étend rapidement, et tourne au pillage des magasins alentours : expression du ras-le-bol des afro-américains devant la ségrégation raciale (les magasins pillés appartenait principalement à des blancs).
Potager social
Mark est ce qu’on appelle communément une masse. Il est d’une disponibilité et d’une gentillesse à toute épreuve. Nous débarquons chez lui un jour férié. Personne dans le Georgia Street Community Garden (le jardin collectif de la rue Georgia), mais une maison en brique de la rue attire notre attention. Un immense drapeau américain veille sur les courgettes.
C’est là qu’il habite avec sa famille installée depuis plus d’une trentaine d’années. Il a vu bien des changements dans le secteur et dans tous les sens, mais ce dont il est sûr maintenant : le jardin a transformé la vie du quartier. Plus…
Place du marché
Les plus blasés trouveront que ce marché n’a rien d’exceptionnel, habitués qu’ils peuvent être des grandes places de villes ou de villages de France ou d’Europe, couvertes d’étals une ou deux fois par semaine (voire tous les jours excepté le dimanche comme au marché des Capucins à Marseille). Sauf que ce marché de producteurs est le plus grand des États-Unis.
Le Detroit Eastern Market existe depuis 1891, dans un quartier qui pour l’essentiel n’a pas dû trop bouger. Les bâtiments sont en briques aux enseignes colorées directement peintes sur les façades. Plus…
La condition ouvrière
Wendy est une ancienne ouvrière – chez Chrysler (automobile), Delphi et American Axles and Manifacturing – AAM (sous-traitants auto). Enseignante de français, elle est venue faire ses études en France, à Aix-en-Provence, juste après mai 68. Fille de militants (mouvement pour les droits civiques, mouvement anti-guerre – auquel elle a elle-même participé), elle y découvre le socialisme, en fréquentant les (rares) Aixois de la fac de droit qui adhèrent au PSU. De retour chez elle, à Chicago, elle décide, comme d’autres militants, de partir s’établir en usine. Pour elle, ce sera à Detroit. Le début d’une quarantaine d’années de luttes, de grèves, de campagnes et de turbin, dans une ville en plein bouleversements, dont les usines cherchent à tuer tout mouvement syndical offensif.
Les crises successives donnant de la force aux stratégies les plus anti-syndicales des managers et dirigeants (telle usine ferme pour réouvrir sans réembaucher les militants les plus actifs), les syndicats s’accommodent le plus souvent d’un rôle de subalterne qui accompagne les politiques patronales de réduction des salaires et de diminution des droits sociaux. Elle a donc participé à la création de « Labor Notes », pour construire des ponts entre mouvements sociaux et mouvement syndical. Labor notes (qui publie un mensuel) organise tous les 2/3 ans une conférence mondiale des militants syndicaux du monde entier (de Solidaires, par exemple, pour la France).